Quand un acronyme devient un révélateur de soi

La première fois que j’ai entendu parler de TNDTroubles NeuroDéveloppementaux – j’avoue que je n’y comprenais pas grand-chose.
Un acronyme froid, médical, qui sonnait bizarre.
Dans ma tête, ça évoquait des images stéréotypées, caricaturales. Rien de très clair. Rien de très juste.

Et puis un jour, dans un groupe que j’accompagnais, une personne s’est présentée en disant :
« Je suis TSA. Je suis TDAH. »
Elle se décrivait comme « étrange ».
Elle parlait vite. Beaucoup.
Elle bougeait sans cesse.

Mais moi… je ne la voyais pas étrange.
Je la trouvais fascinante.
Brillante.
Rapide.
Percutante.

Et ce jour-là, quelque chose a basculé.
Je me suis dit : ok, il faut que je creuse vraiment ce que recouvre ce sigle TND.


Le miroir de la reconnaissance

Alors j’ai commencé à lire. Tout. Absolument tout.
Des articles, des livres, des témoignages, des forums.
J’ai même ouvert le DSM-5, ce manuel épais et froid qui classe les diagnostics.

Et plus je lisais, plus je me reconnaissais.
Chaque ligne résonnait.
Chaque mot faisait écho à un morceau de mon histoire.

Jusqu’au jour où je n’ai plus eu de doute.

C’était effrayant.
Je suis TSA.
J’en suis certain.

Et là… une chape de plomb.
Les larmes qui montent.
La gorge serrée.

Mais en même temps… rien n’avait changé.
Je n’avais pas changé.
J’étais toujours moi.

La seule différence, c’est que je comprenais mieux mon parcours.
Ces galères répétées.
Ces décalages permanents.
Ces échecs douloureux, parfois violents.
Dans ma vie personnelle comme dans ma vie professionnelle.

Tout prenait sens.


La question qui dérange

Puis j’ai fait ce que je fais souvent : j’ai intellectualisé.
J’ai tourné ça dans ma tête, encore et encore.

Et une question m’a frappé en plein visage :
Pourquoi appelle-t-on ça des “troubles” ?

Ce mot… il m’a toujours mis mal à l’aise.
Trouble.

Il porte en lui l’idée d’un dysfonctionnement.
De quelque chose qui ne va pas.
D’un défaut à corriger.
Comme si notre manière d’être au monde était une erreur.
Une anomalie.
Un bug dans la matrice.

Mais… est-ce que j’ai vraiment des « troubles » ?
Non.
Je ne crois pas.


Ce que je suis vraiment

Je pense différemment.
J’agis différemment.
Je ressens différemment.

Mais je ne suis pas « troublé ».

Mon cerveau suit ses propres logiques.
Il traite l’information à sa manière.
Il perçoit le monde à travers ses filtres uniques.

Ce n’est pas un bug.
C’est une autre version du programme.

Et quand je relis mon parcours à travers cette grille, tout devient plus clair.
Ces moments où je ne comprenais pas les codes sociaux.
Ces instants où mon hypersensibilité débordait.
Ces fois où je me sentais décalé, “à côté”.

Ce n’étaient pas des défaillances.
C’était moi.
Moi tel que je suis.


Le pouvoir des mots

Les mots comptent.
Toujours.

Ils façonnent notre manière de nous voir.
Ils influencent la manière dont les autres nous perçoivent.

Dire « troubles », c’est enfermer.
C’est renforcer l’idée que nous serions des personnes à problèmes.
Qu’il faudrait soigner, normaliser, réparer.

Ce mot alimente la stigmatisation.
Et, pire encore, l’incompréhension.


Ma révolution linguistique

Alors j’ai pris une décision :
Jamais plus je ne parlerai de TND.
Jamais plus je n’utiliserai le mot “trouble” pour me définir.
Ni pour définir ceux qui me ressemblent.

Moi, je parle de neuroatypie.

Ce mot dit mieux ce que je suis.
Une variation.
Une autre manière d’être au monde.

Comme il existe une diversité physique.
Comme il existe une diversité culturelle.
Il existe une diversité neurologique.

Et elle est tout aussi légitime.


La neuroatypie, c’est :

  • Une différence, pas une déficience

  • Une variation, pas une anomalie

  • Une richesse, pas un handicap

  • Une spécificité, pas un dysfonctionnement


Vers une autre compréhension

Utiliser ce mot, c’est refuser de pathologiser ce qui sort de la norme.
Ça ne veut pas dire nier les difficultés.
Elles existent. Bien sûr qu’elles existent.

Mais elles ne sont pas en nous.
Elles viennent souvent de l’inadéquation entre nos besoins et l’environnement.
De ce monde pensé par et pour les neurotypiques.

Pas de nous-mêmes.


Une invitation

Alors j’ai envie de vous inviter.

À réfléchir aux mots que vous utilisez.
Pour vous.
Pour vos proches.
Pour vos collègues.
Pour vos patients.

Parler de neuroatypie plutôt que de “troubles”, c’est :

  • Reconnaître la dignité de chaque fonctionnement

  • Encourager l’acceptation plutôt que la normalisation

  • Valoriser la différence plutôt que de la stigmatiser

  • Ouvrir la voie à une société plus inclusive

Parce qu’au fond, nous ne sommes pas “troublés”.
Nous sommes simplement différents.

Et cette différence… elle mérite d’être reconnue.
Respectée.
Et célébrée.

Alors non, je ne suis pas un trouble.
Je suis une preuve vivante que la norme n’est qu’une illusion.